Une lecture choisie dans Owen Glendower



Nous avons le regret d'annoncer le décès survenu en juin 2006 de Mr Pierre-Yvon Tremel, sénateur-maire de Cavan, un village des Côtes d'Armor à 13 km de Lannion.

Il avait joint à sa carte de vœux pour l'année 2004 un CD des sons enregistrés à Cavan à partir du petit matin un jour de fin novembre 2003, auxquels il avait ajouté sa lecture d'un passage choisi dans Owen Glendower.

Il avait alors eu l'amabilité de nous accorder la permission d'inclure ici cette version mp3 de sa lecture.

Voici l'original en anglais de l'extrait qu'il avait choisi de lire:
The silence seemed to mount up from the sea and sink down from the sky. It flowed around and around; buoying up the sounds that floated upon it, as if they'd been relaxed swimmers on the smooth tide; and the silence mingled with the sun-sparkles, too, that were rocking on the incoming waves, and with the rare sea-scents that kept entering that turret window. But the sounds were what the silence loved the best of all; and they rose from all manners of different directions.

They were casual sounds, drifting sounds, accidental sounds, without order and without cohesion. But they were the music of life. Some came from fishermen drying their nets on the rocks, some from seagulls along the walls of the jetty, some from cattle and sheep in the castle-meadows, some from horses and hounds in the castle-yard. They were fainter, more volatile, more ethereal than the living things that uttered them.

A cock-crow was less and more than any chanticleer, a lamb's bleat less and more than any actual lamb, a horse's neigh, or a rook's caw, or a seaman's whistle, was a voice rising from generations of horses, rooks, and fishermen!

Fused together, these isolated sounds evoked a sense of the continuity of life by sea and land, a continuity simple, tranquil, universal, detached from individual hunger or desire or pain or joy.
(John Cowper Powys, "The Maid in Armour", Owen Glendower, Picador 1978, p.685-6)
En voici la traduction française par Patrick Reumaux dont vous entendrez la lecture:
Le silence paraissait monter de la mer et descendre du ciel. Il s'étendait en nappes, recueillant les bruits qui flottaient sur lui, comme des nageurs à l'aise sur un flot tranquille, se mêlait aux étincelles de soleil qui ondulaient sur les vagues montantes et aux rares senteurs marines qui ne cessaient d'entrer par la fenêtre de la tourelle. Mais les bruits étaient ce que le silence aimait le plus et eux venaient de toutes les directions.

C'étaient des bruits fortuits, des bruits errants, des bruits occasionnels, sans ordre ni cohésion. Mais ils étaient la musique de la vie. Certains venaient de pêcheurs faisant sécher leurs filets sur les rochers, d'autres de mouettes sur les digues de la jetée, d'autres de bœufs et de moutons paissant alentour, d'autres de chevaux et de chiens dans la cour. Les bruits étaient plus faibles, plus volatiles, plus éthérés que les choses vivantes qui les émettaient.

Le chant d'un coq est moins et plus que n'importe quel coq, le bêlement d'un agneau moins et plus que n'importe quel agneau, le hénnissement d'un cheval, le croassement d'un freux, le sifflement d'un marin étaient une voix s'élevant de générations de chevaux, de freux et de pêcheurs! Fondus ensemble, ces bruits isolés évoquaient la continuité de la vie sur terre et sur mer, une continuité simple, tranquille, universelle, détachée de la faim ou du désir de la peine ou de la joie de chacun.
(John Cowper Powys, Owen Glendower-II, Phébus 1996, p.271)

Son émouvante lecture de ce texte est un signe fort des qualités humaines qu'a montrées Pierre-Yvon Tremel tout au long de sa vie tragiquement écourtée.